Modernité vs. Architecture Vernaculaire : Quel Avenir pour les Villes Africaines ?
- DAC
- 31 mars
- 3 min de lecture

Chers Lecteurs,
Aujourd’hui, nous souhaitons ouvrir un débat essentiel : quelle place l’architecture vernaculaire peut-elle occuper face à la modernité en Afrique ?
Les grandes villes africaines s’alignent de plus en plus sur des standards architecturaux internationaux, souvent inspirés de l’Occident. Tours de verre, façades lisses, structures en béton… Ces constructions, soulèvent une question fondamentale : quelle identité architecturale revendiquons-nous ?
L’architecture vernaculaire, elle, puise dans les savoirs ancestraux. Elle utilise les matériaux locaux, épouse le climat, répond aux modes de vie traditionnels et s’inscrit dans une démarche de durabilité. Pourtant, malgré ses nombreux avantages, elle peine à s’imposer dans les métropoles africaines. Pourquoi ?
Pourquoi la modernité s’impose-t-elle ?
L’histoire coloniale a laissé des traces profondes dans l’imaginaire collectif. L’architecture en fait partie. Pendant longtemps, les constructions vernaculaires ont été perçues comme un vestige du passé, opposées à une modernité qui se veut plus « universelle ». Les politiques urbaines privilégient les infrastructures standardisées, jugées plus économiques et prestigieuses. De plus, la mondialisation entraîne un phénomène d’homogénéisation, où chaque capitale semble vouloir ressembler à une autre.
Mais à quel prix ? Dépendance aux matériaux importés, inadéquation avec les conditions climatiques locales, rupture avec les modes de vie traditionnels… Nous devons nous interroger sur l’impact de ces choix.
L’architecture vernaculaire : entre durabilité et résilience
Si l’on parle tant de durabilité aujourd’hui, c’est que l’architecture contemporaine peine à répondre aux défis écologiques actuels. Or, l’architecture vernaculaire repose sur des principes de résilience et de respect des ressources locales. Elle privilégie des matériaux biosourcés, exploite intelligemment la ventilation naturelle et s’adapte au climat sans dépendre d’infrastructures énergivores.
Pourquoi alors est-elle si peu valorisée ? Le manque de formation des architectes aux techniques locales, ainsi que les réglementations urbaines peu flexibles, freinent son développement. Pourtant, elle représente une alternative crédible face aux enjeux environnementaux.
Quand le contexte impose des compromis : le cas de la bibliothèque de Koumbala
Au sein de DAC, nous avons été confrontés à ces défis. Lors de la conception de la bibliothèque de Koumbala, nous avions initialement envisagé d’utiliser des matériaux locaux et des techniques vernaculaires. Toutefois, plusieurs contraintes nous ont amenés à revoir notre approche :
Les exigences de durabilité des partenaires : L’association avec laquelle nous collaborions considérait que la longévité d’un bâtiment passait nécessairement par l’utilisation du béton.
Les risques liés au bois : Bien que séduits par l’idée d’une construction en bois, nous avons dû y renoncer après avoir appris la présence de termites dans la région. Par manque de connaissances sur les techniques de protection du bois et faute de budget pour en assurer un traitement efficace, cette option s’est révélée impraticable.
L’inadaptation des briques de terre crue (BTC) au projet : La conception de la bibliothèque reposait sur des cloisons entièrement constituées d’étagères. Le béton permettait d’obtenir des éléments fins et résistants, tandis que les BTC, plus épaisses, n’auraient pas permis d’atteindre cet objectif.
Ce projet a mis en lumière la difficulté de concilier aspirations architecturales, réalités techniques et perceptions culturelles.
Ceux qui relèvent le défi du vernaculaire
Notre approche chez DAC est d'orienter nos projets vers l'architecture vernaculaire, en tirant parti des ressources locales et des savoir-faire traditionnels. Nous avons tiré des enseignements de la bibliothèque de Koumbala et souhaitons désormais pousser plus loin cette démarche. Ainsi, des projets comme la bibliothèque de Djakometey en terre crue ou encore la tiny house flottante actuellement en conception intègrent pleinement cette approche. Nous voulons démontrer qu'il est possible d’allier durabilité, esthétique et pertinence culturelle.
Heureusement, plusieurs architectes africains et internationaux ont démontré qu’une alternative est possible.
Mariam Kamara intègre les matériaux locaux dans des projets contemporains, conciliant esthétique moderne et ancrage culturel.
Mae-Ling Lokko, explore les matériaux biosourcés, transformant des déchets agricoles en briques isolantes et durables.
Francis Kéré, figure incontournable, prouve que la terre crue et les techniques vernaculaires peuvent produire des bâtiments remarquables, aussi fonctionnels qu’emblématiques.
Décoloniser l’architecture : un impératif ?
L’omniprésence des références architecturales occidentales en Afrique nous invite à une réflexion plus profonde : ne devons-nous pas déconstruire ces modèles pour réhabiliter nos propres traditions ?
Décoloniser l’architecture ne signifie pas rejeter en bloc la modernité, mais plutôt revaloriser les pratiques et savoir-faire locaux, les intégrer dans une dynamique innovante et adaptée à notre époque. Cela passe aussi par l’éducation, la transmission des techniques traditionnelles et un changement de perception au sein des institutions architecturales.
Et maintenant ?
Face à ces constats, la question reste ouverte : comment réconcilier modernité et architecture vernaculaire en Afrique ? Quels compromis sont nécessaires ? Comment valoriser nos traditions constructives sans freiner le développement ?
Nous vous invitons à partager vos réflexions, vos expériences et vos idées sur le sujet. Ensemble, repensons une architecture qui nous ressemble.
Avec toute notre considération, L’équipe DAC.
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